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Dimensions: Hauteur 172 cm Largeur 82 cm Profondeur 50 cm
Matériaux : papier mâché, bois, acier, laiton
Date de réalisation : 2020
VENUS APERTA
Pas finie
Comme dans l’ouvrage éponyme de Georges Didi-Huberman 1, dans Venus aperta, la représentation féminine n’est pas seulement offerte à la vue mais ouverte au regard du spectateur au sens propre du terme, son ventre étant découpé pour laisser voir un univers. À la fois, sculpture et architecture, cette figure mi-païenne, mi-sacrée propose une image de la maternité telles les rares vierges allaitantes du quinzième siècle qui sont conservées. Fabriquées à l’époque du culte marial, ces sculptures de bois laissaient découvrir des représentations de la Trinité, souvent appelés « trônes de grâce ». Tantôt ouvertes, tantôt fermées, ces vierges introduisaient plusieurs temporalités de monstration pour le spectateur, faisant du corps de la mère du Christ l’espace de présentation de Dieu, de son fils comme du Saint-Esprit.
Dans l’œuvre d’Hervé Lesieur, le corps est également la métaphore d’un monde comportant d’autres espaces traduits par la présence d’un temple semblant surgir des organes mêmes de la femme ou de son squelette, traités comme des éléments architectoniques. À l’image des Vénus des médecins, particulièrement réalistes, en cire colorée de Clemente Susini, fameux modeleur du dix-huitième siècle, le corps dévoile son côté impur à travers un souci de connaissance anatomique, mêlé à une représentation du corps-maison. Dès le seizième siècle, de petites Vénus anatomiques démontables, certaines en ivoire, permettent de comprendre ce que l’œil ne voit pas. Un peu plus tard, le mystère de la création est ainsi dévoilé dans les modèles de démonstration obstétrique en terre cuite polychrome qui montrent l’enfant naissant, côtoyant viscères et humeurs, introduisant le trivial dans un épisode sacré du vivant. La Vénus ouverte conserve l’échelle naturelle. La couleur de son matériau, la pâte à papier, offre un beige rosé et un velouté suggérant le désir de toucher, l’in-carnation. L’adresse faite au spectateur d’ouvrir les deux volets qui, une fois déployés, sont soutenus par les deux mains de la statue, sont autant de signes attestant d’un désir d’animation du nu féminin. Narcisse, autre sculpture d’Hervé Lesieur, naissait entre le sang et la merde, comme l’évoque Saint Augustin. Son retable de l’Annonciation, permettait le déshabillage de la vierge par l’emboîtage d’éléments de bois industriels. Sa Machine sentimentale, évoquait les gynoïdes de la littérature fantastique du dix-neuvième siècle, créatures artificielles ayant le pouvoir de s’animer et de mimer le vivant.
« Il n’y a pas d’image du corps sans l’ouverture de sa propre imagination » affirme Georges Diddi Huberman.
Thanatos, Eros et Aletheia se mêlent ici pour affirmer le pouvoir de la création.
Patricia Marszal
1 Ouvrir Vénus, Georges Didi-Huberman, Le temps des images, Gallimard, Paris, 2013