' Les bras de la Vénus de Milo - Hervé Lesieur
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Les bras de la Vénus de Milo

La Genèse


La Fabrique


La Chute


Les Bras de la Vénus de Milo

Performance théâtrale réalisée de 2002 à 2003 avec le soutien du théâtre Le Grand Bleu, la Maison de la Culture d’Amiens, le centre de l’Agora d’Evry, la Drac Nord Pas-de-Calais, la compagnie La Tarande.

La performance à été présentée : Au théâtre Le Grand Bleu ; À la Maison de la Culture d’Amiens ; Au centre de l’Agora d’Evry.

Mise en scène collective ; Acteurs : Agnes SAJALOLI, Didier COUSIN, Serge BAGDASARIAN, Hervé LESIEUR ; lumières : Thierry DUBIEF ; son : Eléonore Bak ;  scénographie et costumes : Hervé LESIEUR.

Crédits photographiques : Fabrice DOAT

Vidéo: Hervé LESIEUR

Dans la pièce « Les bras de la Vénus de Milo », les comédiens se soumettent à l’expérience plastique comme matériaux de modelage. C’est à l’aune du projet que les acteurs de la compagnie théâtrale La Tarande, m’ont proposé, à l’instar des objets et accessoires scéniques, d’être façonnés et manipulés. Ils ont été mesurés, jaugés, dessinés, moulés, transformés, contraints par des prothèses, reproduits, multipliés, guidés dans leurs déplacements. Ils ont été soumis au même titre que des matériaux au façonnage par le désir et la main de l’artiste. Cette expérience les a rangés dans la catégorie des objets et accessoires.
L’espace scénographique dans « Les bras de la Vénus de Milo », est composé de 24 colonnes en feutre de 6 mètres de hauteur et de 45, 60 et 80 centimètres de diamètre. Elles sont massées au cintre créant un plafond de masses informes. Celles-ci vont stagner ainsi pendant le temps du premier tableau : LA GENESE.
Dans cet acte, les personnages sortent d’une grande sphère en bois comme d’un œuf et entrent en relation les uns avec les autres, ils appréhendent le lieu. Vers la fin de ce tableau, les colonnes vont se déployer lentement. Le bas des colonnes descend progressivement jusqu’à frôler le sol. Elles sont érigées de manière à former spatialement une architecture fragile et difforme en arc de cercle. On pourrait prendre cet espace pour la clairière d’une forêt. La lumière change, c’est l’amorce du deuxième tableau : LA FABRIQUE.
Dans cette scène, les acteurs, isolés du reste du monde, tentent de reproduire leur image à l’aide des mêmes moules qui ont servi à la création des costumes de leur personnage. Les colonnes commencent alors un lent effondrement. Le haut tombe comme dans un ralenti cinématographique, et forme ainsi un nouvel amas cette fois-ci sur le sol, suggérant un chaos. C’est le dernier tableau de la dramaturgie : LA CHUTE.
Ce dernier acte s’achève par la tombée fracassante d’un rideau de latex qui obstrue la scène sur toute la largeur du plateau. La surface du voile est translucide. Il apparaît comme une peau tendue. Le latex, grâce à sa densité, ondule au toucher comme un liquide et rend l’aspect de la surface vivante. La texture et la couleur de cette matière qui a servi à confectionner le rideau, les costumes et une grosse sphère pénétrable qui a clôturé le spectacle, s’assimilent à la chair. Cela crée une unité plastique organique. La forme molle du tissu des colonnes qui se déploie tout au long de la durée de la pièce, simule les déplacements d’un mollusque envahissant. L’espace entier semble respirer et se mouvoir. La lumière ambrée accentue la sensation d’être plongé dans un corps vivant.
Les colonnes sont mues par des contrepoids lestés de sable qui se déverse sur le sol dès le début de l’action. Les récipients se vident progressivement et forment des petits tas qui fixent le temps présent de la pièce. Le poids des lests diminue et provoque la tombée des colonnes. Le calcul du volume de sable pour chaque colonne a été étudié pour correspondre à l’apparition des différents tableaux. C’est une sorte de clepsydre, une horloge bio métrique du temps donné de l’expérience. Un machiniste actionne le mécanisme d’ouverture des lests de sable qui se déverse lentement sur la surface du plateau et qui rythme le mouvement des colonnes. Ici le temps peut se concevoir non pas comme une progression, une avancée, mais plutôt comme un décompte. Le compte à rebours débute au moment où le public est en place. Il s’achève quand tous les containers sont vides et que le rideau de latex clôt brutalement l’espace de ce monde uchronique. C’est à ce moment précis qu’un des personnage, A L’ENVERS, seul en avant scène, se met à parler. Une heure s’écoule avant qu’une parole intelligible soit prononcée.

Dans « Les bras de la vénus de Milo », les comédiens de la Tarande et moi n’avons pas choisi la forme de l’écriture de plateau. Elle s’est imposée. Nous avons exprimé la volonté de ne pas créer à partir d’un texte du répertoire ou écrit pour le théâtre, de ne pas désigner de metteur en scène au sens habituel du terme, de se laisser porter par un espace visuel et plastique pour inventer la dramaturgie, la fable. L’écriture s’est forgée par l’expérimentation et la manipulation des éléments. La lumière et le son ont constitué un paysage dans lequel évoluaient les êtres difformes.
Avant les premières expérimentations sur le plateau, de 2000 à 2002, il s’est agi de constituer un répertoire de formes et de matières propices à l’invention. La recherche formelle a nourri la recherche thématique. J’ai proposé une sphère habitable comme point de départ commun de la réflexion. La sphère est l’élément central. Les acteurs en sortent comme des coulées de matière, en sont éjectés comme des vomissures. Ils la chahutent violemment pour la faire régurgiter les lambeaux sans vie. Ce choix n’est pas sans rapport avec l’expérience du « Voyage en caisse », premier véhicule de mon voyage artistique. Il me semblait judicieux d’en proposer un autre pour ce voyage théâtral.

► Lire le texte de Michel Cegerra «Les bras de la Vénus de Milo»

► Lire le texte «La sphère sans suie» de Jacques Dyck

► Voir «Le voyage en caisse»